Une visite à Tchernobyl, étrange cocktail d’émotions

Autant vous prévenir de suite, vous allez avoir le droit à d’avantage de photos que de récit pour cette fois-ci. Ce sera plus rapide à parcourir et de simples mots ne peuvent suffire pour décrire tant de détresse et d’effroi.

Le Pourquoi ?

Mais d’où est venue cette idée ? Cette année, je décidais de poser des jours de congés pour aller passer Noël dans les Vosges, dans la famille de mon cher et tendre. Et du coup, en profiter pour faire un petit city trip. Moscou nous tentait bien, mais à un mois du départ, faire les visas et les recevoir à temps relevait de l’impossible. Tant pis, ce sera pour l’année prochaine.

C’est alors que mon mari me sort tout à coup : « Et si on allait visiter Tchernobyl ! »
Je réponds alors : « Euh, oui, mais ça se visite ? Ce n’est pas risqué par tout hasard… ? Les radiations, tout ça, tout ça quoi… ».

Comme à peu près tout le monde ne connaissant pas la zone, j’étais réticente. En fait, la zone d’exclusion est ouverte aux visiteurs depuis 2010, mais il faut passer par un guide officiel d’Ukraine.

Le Budget

  • 2 aller/retour Strasbourg-Kiev via Frankfurt : 520 euros (avec la compagnie Lufthansa).
  • 4 nuits dans un appartement au plein centre de Kiev, tout équipé et à 5 minutes à pieds de la place Maydan, célèbre pour sa révolution orange et occupée depuis novembre : 220 euros.
  • Agence pour Tchernobyl : 1 080 euros, comprenant les transferts aéroport-appart-aéroport, le transfert pour Tchernobyl, le guide francophone, les assurances, l’entrée au musée de Tchernobyl à Kiev avec guide francophone et la rencontre d’un liquidateur.

En résumé, un budget total de 1 820 euros, sans les à-côtés.

L’excursion à Tchernobyl

On commence la journée avec un petit déjeuner rapide puis on enfile les blousons d’hiver. C’est parti !

Vita, notre guide francophone nous attend au coin de la rue. Ne pas confondre notre guide avec la chanteuse pour les adolescents…

C’est parti pour deux bonnes heures de route où nous essayons de regarder une vidéo sur la catastrophe de Tchernobyl, histoire d’en savoir un peu plus avant notre arrivée sur place. Peine perdue car elle n’arrête pas de sauter vue la route quelque peu, comment dirais-je, chaotique…

A 30 kilomètres, nous arrivons au premier Check Point de la zone d’exclusion.

Nous signons une tonne de papiers, et en ukrainien qui plus est. On reprend la route, quelques minutes plus tard nous faisons notre premier arrêt.

Visite du village dans la forêt (traduction du nom ukrainien)

Les villages ont été évacués tard après l’explosion de la centrale. Le sol est gelé, la neige présente. Nous voilà projeté dans le passé. Les habitants ont été évacués et ne sont jamais revenus.

Ces photos de la salle communale en témoignent :

Objets abandonnés au sol… Par les habitants ou par les pillards ?

C’est l’hiver et le sentiment d’abandon est encore accentué par la végétation mise à nue, par les oiseaux qui ne sont pas là, …

Nous avons de la chance, les touristes ne viennent pas en hiver visiter la zone. Nous sommes donc seuls.

Cette première visite nous laisse plutôt sans voix. Nous remontons dans le van.

La ville de Tchernobyl

Et nous arrivons dans la ville de Tchernobyl, à 15 km de la centrale du même nom.

La ville de Tchernobyl

Faites-moi confiance, c’est écrit Tchernobyl :-) La ville est toujours habitée par le personnel qui travaille encore sur la centrale, notamment à la construction de l’arche qui va venir recouvrir le réacteur 4 que nous verront plus tard. lls restent 15 jours sur le site, puis rentrent chez eux.

Nous atteignons rapidement un cimetière un peu particulier : le cimetière des villages abandonnés. Devant-nous sont alignées des croix avec le nom des villages qui ont été évacués après la catastrophe et qui le sont encore.

Le village de Kopatchi

L’arrêt suivant est très certainement celui qui m’a le plus touché, celui qui m’a vraiment marqué.

Un peu avant d’arriver sur le site de la centrale de Tchernobyl, Vita décide de nous faire visiter une école maternelle. Et là, c’est un véritable choc. La vie semble être suspendue.

Les jouets ont été abandonnés

Et les livres sont restés ouverts, nous faisant presque penser que les petits occupants des lieux vont revenir de récréation et reprendre leur place.

Livres ouverts

On passe d’une pièce à l’autre.

On ressort et je suis bouleversée. L’atmosphère est pesante. Qu’ont ressenti ces enfants lorsqu’ils ont été évacués ? Leurs parents étaient-ils à leurs côtés ? Combien de vie ont-elles été brisées ? Combien d’enfants sont tombés malades après la catastrophe ?

Quand on pense qu’ils n’ont pas été évacués de suite…

Panneau radioactivité

Le réacteur 4

Nous reprenons la route, pour cette fois nous approcher au plus près de la centrale. Nous longeons le canal gelé qui servait à refroidir les différents réacteurs.

Le canal gelé

Et nous pouvons apercevoir le réacteur 4 perdu dans la brume.

Vue du réacteur 4 au loin

Nous faisons le tour de la zone et nous arrêtons à quelques mètres du réacteur 4 et de son sarcophage. L’arrêt sera de courte durée, la réactivité à cet endroit étant encore très élevée et l’endroit étant très surveillé par les fédéraux.

Réacteur 4 et son sarcophage.

Sarcophage réacteur 4

Le sarcophage en place présente une brèche et une nouvelle arche de confinement est en cours de construction. Une arche impressionnante par ses dimensions.

Nouvelle arche du réacteur 4 en construction

Construite par Novarka, société commune entre Bouygues Travaux Publics (filiale de Bouygues Construction) et Vinci Construction Grands Projets, elle atteint actuellement 55 mètres, la moitié de sa hauteur finale. Elle est aussi à la moitié de sa largeur, puisque la construction de l’arche a lieu en deux temps.

Une fois terminé, cet ouvrage unique couvrira le sarcophage existant construit par les Soviétiques après la catastrophe du 26 avril 1986.

Pripyat, la ville fantôme

Notre dernier arrêt est pour la ville de Pripyat, à 3 km de la tristement célèbre centrale.

Pripyat

Pripyat a été construite en 1970 pour les travailleurs de la centrale et leur famille. Elle était considérée comme une ville modèle, avec des logements de qualité, un supermarché, le premier du genre, puisque même les habitants de Kiev venaient y faire leurs courses le week-end venu…

50 000 personnes ont été évacuées en 2 heures. Ville fantôme où le temps s’est arrêté, un musée à ciel ouvert.

En théorie, il est interdit de rentrer dans les différents bâtiments de la zone, la contamination étant plus qu’élevée. La police est présente sur le site et veille. Mais notre guide a contourné cela pour nous faire visiter certains endroits de vie.

Le supermarché

Divers bâtiments

En Ukraine aussi le climat est plus doux que d’ordinaire : les bourgeons sont présents… À moins que ce ne soit une réaction due à la radioactivité.

Bourgeon ukrainien

La fête foraine

Nos pas nous mènent vers la fête foraine. Les enfants n’ont jamais pu en profiter, elle devait être inaugurée… La grande roue et les auto tamponneuses n’auront jamais fait la joie des milliers d’enfants. Elles resteront à jamais figées, témoins d’un passé que l’on n’oubliera pas.

La piscine

Il est 15 heures, nous visitons la piscine qui a continué de fonctionner jusqu’en 2000, pour les travailleurs de la centrale

L’école

Dernier arrêt de ce retour dans le passé : une école. Notre première vision se porte sur des masques à gaz, des milliers de masques à gaz. Les enfants devaient savoir le porter en cas d’attaque des méchants européens. Ironie du sort, ces masques ne sont d’aucune utilité en cas de catastrophe nucléaire…

Nous traversons les salles de classe où s’amoncellent des tonnes de livres sur le sol.

D’autres vestiges comme un Globe terrestre.

Un globe terrestre à l'école de Pripyat

Ou encore ces pellicules photos où l’on peut voir les photos prises à l’époque. Témoignage poignant d’une vie arrêtée.

Pellicule photo école de Pripyat

Quelques autres photos de l’école…

Avant de quitter Pripyat, nous allons au bord de la rivière et vers un des restaurants.

Rivière de Pripyat

Avant de sortir de la zone d’exclusion, déjeuner à Tchernobyl, soupe ukrainienne trop bonne et passage par le détecteur. Ouf pas de contamination, on peut s’en aller 🙂

Detecteur

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Les voyageurs ont laissé 11 avis

Alain Le

Bonjour,

Tout d’abord, merci beaucoup pour ce mini reportage. Comme tu l’as dit au début, les photos parlent énormément, pas besoin de longs discours. Les petits commentaires ici et là suffisent. Pas besoin de plus.

Je ne savais pas que la ville de la centrale était ouverte au public et mon ressenti peut se traduire en un seul mot : CHOC !

Les images font froid dans le dos. On s’attend à voir ce genre de choses, mais tout de même. Et encore, ce ne sont que des photos, je n’imagine pas l’atmosphère pesante qui doit régner sur place. D’ailleurs, dommage que l’on ne puisse pas agrandir les photos. Certaines mériteraient que l’on puisse observer un peu plus les détails.

Je ne sais pas si j’irais sur place un jour, je préfère aller dans des lieux plus « joyeux ». Mais c’est important de garder des traces de ce genre de catastrophe. Des témoignages, comme tu le dis si bien à un moment.

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Myriam Le

Même si tu as expliqué comment vous est venue l’idée à ton compagnon et toi, j’ai encore du mal à comprendre comment on peut aller dans un endroit pareil… en vacances…

C’est intéressant certes, mais de là à y sacrifier des congés et du budget que l’on aurait pu mettre pour une autre destination… Question de point de vue.

Bref… l’ambiance me fait penser à un docu sur Arte. C’est un univers à la fois froid et mystérieux. J’imagine que sur place on doit se poser des tonnes de questions. On se retrace la vie d’objets et des scènes qui se sont déroulées, peut-être…

C’est un plaisir de te lire, au moins j’ai pu découvrir un peu cette ville damnée sans y être allée moi-même. Je pourrais donc partir dans un endroit plus accueillant, sans pour autant rester dans l’ignorance à propos de Tchernobyle.

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Sarah Le

@ Alain: Merci! Certaines photos ont été remises en HD (le globe, la poupée, et certaines photos avec les livres).
Mais si tu veux d’autres photos pour voir les détails, n’hésites pas à me demander, je te les donnerais avec plaisir.
Tu as très bien décrit ce que je ressentais. L’atmosphère était pesante, renforcée encore par le fait que l’hiver les oiseaux ne sont pas là et qu’il n’y a pas de feuilles dans les arbres.

@Myriam: en effet question de point de vue.
Mon reportage ici est consacré à Tchernobyl, mais saches que nous n’avons pas visité QUE Tchernobyl. Nous avons également parcouru la très belle ville de Kiev, qui a elle seule mérite le détour.
Après certains vont à Cracovie pour visiter le tristement célèbre camp du Strutoff, pour se rappeler des horreurs qui s’y sont passés.
Tchernobyl c’est pareil, ce n’est aucunement du voyeurisme. On voulait voir de nos yeux ce que la société peut faire. Et quand on apprend comment la crise a été gérée sur place, cela fait encore plus froid dans le dos.
Tchernobyl est un musée à ciel ouvert, un musée de l’air du soviétisme, un musée sur le nucléaire.
Et Tchernobyl, on en a tellement entendu parlé lorsqu’on était petit qu’on souhaitait essayer répondre à nos questions… Mais nous sommes repartis avec d’autres…
Ca fait réfléchir aussi sur nos propres centrales…

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Annabelle Le

Je vois que malgré les différents avis, il y a un quand même un sentiment global qui ressort : la catastrophe de Tchernobyl a marqué.

Moi-même je n’ai pu m’empêcher d’y repenser dernièrement avec ce qui est arrivé à Fukushima. On s’interroge sur nos propres centrales comme tu le dis.

J’aurais trouvé un peu glauque de faire un voyage pour ne visiter comme la ville de la centrale, comme l’a dit Myriam. Mais si tu as également fait Kiev, je comprends mieux. Comment est Kiev d’ailleurs ? Il me semble que c’est la capitale non ?

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Romain Le

Moi qui ne sors pas beaucoup de la France je n’ai jamais eu l’occasion de voir un tel spectacle !

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Sarah Le

Une petite erreur dans mon message précèdent
C’est auschwitz et non strutoff

@ annabelle: Kiev est bien la capitale de l’Ukraine
C’est une ville que nous avons beaucoup apprécié même si la communication est difficile. Ils ne parlent pas beaucoup anglais et les explications de certains monuments sont en cyrilliques (comme les indications dans le métro)

Nous y sommes allés en pleine grève (qui dure
Toujours) et aucun sentiment d’animosité.
Nous nous sommes baladés au milieu des manifestants dans aucun soucis.
C’etait également un sentiment étrange de partager ce moment là

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Toto Le

Encore un super article, après celui du Népal. Que du bon sur ton profil, j’adore te lire.

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Aurore Le

Bonjour, je suis étudiante a Reims et nous devons faire un mémoire, j’aimerais savoir si ca vous dérange que je prenne votre témoignage? J’évoque le tourisme et le fait que la ville est a la fois fascinante et effrayante.
Cordialement.

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Sarah Le

@Aurore:
Je viens seulement de voir ta question
Si c’est encore d’actualité tu peux bien entendu prendre mon témoignage, pas de soucis!

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Marina Le

Wow, l’ambiance a l’air d’être vraiment quelque chose. J’imagine que lorsque l’on se retrouve en de tels lieux, on pense à tous les gens qui ont vécu ici. On se met à leur place et on imagine le temps de quelques minutes être un « Tchernobylien ». Cette sensation doit être vraiment fantastique. Étonnant contraste que ce sentiment vis à vis de la catastrophe qui s’est déroulée dans cette ville.

Ca peut paraitre un peu lugubre à première vue de visiter une ville pareille, mais il est important de ne pas oublier pour que de tels drames ne se reproduisent pas. On a déjà évité la catastrophe avec Fukushima, quoi que… J’ai lu des articles pas très rassurants là-dessus. Ca fait peur ces histoires de centrales nucléaires !

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Marie-Ange Le

Bonjour,

Merci pour ce partage de votre expérience ! Je suis en pleine élaboration d’un mémoire justement sur le sujet du tourisme à Tchernobyl. Seriez-vous disponible pour répondre à quelques unes de mes questions sur le sujet et ainsi m’aider dans mes recherches ?
Merci par avance !

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